Autant vous dire qu’étant à l’époque un pur condensé de “j’adore apprendre de nouveaux trucs” + “j’adore connaître de nouveaux gens”, j’ai eu assez tôt une fascination pour absolument tous les espaces sociaux et communautaires permis via mon vieux modem Olitec grésillant. Quand on le dit, ça n’a absolument rien d'exceptionnel. Mais je suis issue de la génération qui a connu “l’avant” (les exposés à l’école préparés avec le Quid) et “l’après” (les cartes de voeux virtuelles en flash avec des rennes qui jouent “we wish you a merry christmas” avec leurs prouts) de l’arrivée d’internet dans les maisonnées. 

Par curiosité, je suis allée regarder sur wikipedia la définition de “réseau social”, et j’ai réalisé que ce qu’on appelle réseau social en 2025 (bluesky, mastodon, instagram…) n’est en fait qu’une partie de ce qui appartient à la définition. Les forums sont des réseaux sociaux, les blogs que l’on peut commenter sont des réseaux sociaux. J’ai réalisé que mon premier “vrai” espace communautaire social, que j’ai utilisé grosso modo entre 2001 et 2005, était un site internet dédié à des avis de consommation qui nous permettait d’avoir des espaces de discussion via les articles, mais aussi via des “pages de présentation” personnalisables en HTML. Je n’ai jamais eu le réflexe d’appeler ce site un réseau social, et pourtant c’en est visiblement la définition. C’est sur cet espace que j’ai créé mes premières amitiés 100% virtuelles : des personnes que je n’avais jamais vues, qui vivaient un peu partout en France, mais à qui je parlais plus souvent qu’à la plupart de mes camarades de lycée. C’est par ailleurs avec cette petite communauté (nous étions 6 ou 7 je crois dans le petit noyau auquel j'appartenais), que j’ai fait ma première IRL ! C’était assez fou.

Toutes ces années à traîner sur les internettes, sur des réseaux variés, avec leurs spécificités techniques mais aussi culturelles, qu’elles soient justement liées à la technique - on n'interagit pas de la même façon sur un réseau où l’on ne poste que des photos, ou sur un espace où tu peux écrire sans limites, et un autre où tu n’as que 140 caractères - ou “simplement” de la sociologie des gens qui la fréquentent. Les memes, le “lore” de certaines blagues, tout ça dépend de tout un tas d'éléments qui n’ont absolument rien à voir avec les spécificités techniques d’une plateforme. Ces grands pans de vie numériques desquels j’ai été témoin, m’ont permis d’avoir aujourd’hui non pas une expertise au sens universitaire du terme, mais au sens où j’ai vu beaucoup, beaucoup, beaucoup de phénomènes divers et variés, que j’ai parfois vécus comme protagoniste. Parfois, ils se déroulaient devant mes yeux (enfin derrière mon écran), ou touchaient des gens proches. Cette non-expertise, donc, n’est pas plus invalide que n’importe quelle autre, tant qu’elle n’est pas érigée en valeur absolue. 

Ce qui m’intéresse et me fascine, face à toutes ces interactions virtuelles, c’est comment, même si elles ont leurs propres spécificités, elles sont pour beaucoup le reflet de plein de manières de vivre les contacts et les relations avec les gens, dans la vraie vie. Comment parfois les deux se confondent. Et comment, parfois, ce n’est pas du tout le cas, et comment cela peut parfois créer d’énormes déconvenues. J’adore les gens, j’adore ce qui les rend uniques, j’adore ce qu’ils peuvent m’apprendre sur la vie, la fermentation du fromage, le lore de warhammer ou un compositeur russe du 17e siècle. Regarder les gens évoluer derrière un écran c’est absolument fascinant, et je pense que mon addiction aux réseaux sociaux (j’avais mis des guillemets mais il faut que je sois honnête avec moi-même alors je les ai enlevées) vient du fait que ce qui se passe tous les jours sous mes yeux, à travers de mes écrans, sera toujours plus passionnant que n’importe quelle série télévisée.

Dernièrement, j’ai modifié mon rapport aux réseaux sociaux. Le passage d’un ancien réseau principal à un autre (de feu Twitter à Bluesky) m’a montré d’autres formes de communication sur des réseaux semblables et a amorcé une grande réflexion sur ce que j’attendais de ces espaces d’expression, si je voulais continuer à rester dessus. J’ai réalisé que je passais de réseau en réseau depuis une vingtaine d’années de façon, disons, instinctive, sans vraiment y réfléchir. Peut-être est-il temps de s’y pencher ?  

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